21 Avr La Gazette de montpellier semaine 4 au 10 juin 2009: FAUT-IL PLEURER SUR LA SOUFFRANCE DES PATRON?
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FAUT-IL PLEURER SUR LA SOUFFRANCE DES PATRONS ?
La Gazette. En pleine crise, alors que les licenciements se multiplient, vous osez parler de souffrance patronale. C’est de l’inconscience ou de la provoc’ ?
Olivier Torrès. Ni l’un ni l’autre. Pour bien me faire comprendre, je veux rappeler au préalable que le premier traumatisé, c’est bien sûr le licencié. Mais il existe un effet secondaire dont personne ne dit rien, c’est le traumatisme du licencieur dans les petites entreprises. Quand vous connaissez chaque salarié, et souvent leur famille, que vous les virez en les regardant dans les yeux, vous n’en dormez pas la nuit. Au-delà de cet acte, fort heureusement ponctuel, le mal-être des petits patrons s’explique par la surcharge de travail (12 heures par jour en moyenne),
l’incertitude sur l’avenir, l’implication financière personnelle dans la boîte et le sentiment d’isolement. Résultat : santé dégradée, dépression, alcoolisme, divorce, des phénomènes que je souhaite étudier dans le cadre d’un observatoire. Le seul effet médiatisé pour l’instant, c’est le suicide. La semaine dernière, un entrepreneur de Frontignan a mis fin à ses jours pour cause de découvert bancaire. Et n’oubliez pas Jalatte, le patron gardois qui n’a pas supporté que “son” entreprise soit délocalisée…
La Gazette. Les patrons blindés, froids, ça n’existe pas ?
O. T. Bien sûr que ça existe. Dans l’étude que je vais présenter à un colloque managérial de Séoul, je distingue trois profils de licencieurs : l’indifférent, qui s’en tape, le réticent, qui se fait une raison, et le traumatisé, que ça hante. Cela dit, dans les petites (moins de 50 salariés) et très petites entreprises (moins de 10), le patron vit dans la proximité, la relation humaine. Pour cause économique, il doit parfois licencier des proches, des amis, des parents. Tout en conservant le masque du fort, car il a été éduqué dans le culte de la performance. Vous imaginez un peu ?
La Gazette.Vous mettez sur le même plan la souffrance des employeurs et celle des salariés. Tout de même, l’argent, ça permet aux patrons d’amortir les chocs…
O. T. Peut-être. Mais avec 4 200 ! de salaire moyen, ceux des PME ne sont pas si riches que ça. Et quand ils font faillite, ils peuvent se retrouver avec de graves difficultés. On me dit aussi que le stress vécu par le patron n’est pas de même nature que celui du salarié, car lui, il a eu la liberté de choisir son surmenage. C’est en partie vrai. Mais certains petits patrons, en particulier dans la sous-traitance automobile, vivent largement dans la contrainte : ils subissent les décisions de grands donneurs d’ordres qui sont dirigés, eux, par des managers ne connaissant pas le visage des salariés.
Propos recueillis par Olivier Rioux